30/01/2011

La logique dangereuse des frères siamois...

Bart de Wever est un grand poète. Il aime se livrer à une passion dévorante, celle des petites citations dans la presse, d'ici ou d'ailleurs. En latin, de préférence... Ou en Anglais aussi, "less is more", par exemple. Ou encore en Allemand : "Belgien, Europas kranker Mann"...
Et il aime les images fortes aussi : ainsi dans sa dernière interview exclusive pour La Libre de ce 29/01/11, il donne sa vision de la situation actuelle, une vision que je qualifierais volontiers d'anatomique...
Bonne nouvelle, Bart de Wever n'est pas pour la scission du pays ! Non, non dit-il, "ça ne marchera pas". Car "la Flandre et la Wallonie sont comme des frères siamois, et leur lien, c'est Bruxelles"...
Pardon ??? Mais Bart, que fais-tu... Dois-je te rappeler ici ce que précisent les statuts de ton parti en leur point 1.1 (1)? Je sais qu'à force de réécrire l'Histoire et de manipuler les médias flamands et ton électorat, les 3/4 de tes électeurs sont convaincus que voter pour la NVa, c'est voter pour un parti néo-libéral avec certes une pointe de régionalisme, mais légère... Récemment, en discutant avec un de tes électeurs, je me suis rendu compte de cela, Bart, ils ne savent pas... Très peu ont lu les statuts de la NVa et la plupart croient même que cette obsession séparatiste serait un épouvantail dressé par les francophones...
Siamois donc, unis par un cordon ténu de chair bruxelloise. Tu le sais, les siamois ont du mal à vivre longtemps, lorsqu'ils partagent des organes en commun et très souvent, on doit se résoudre à une opération délicate de séparation. Au scalpel, comme il se doit. On découpe ainsi le lien qui unit les siamois pour leur redonner une autonomie de fonctionnement et leur permettre de vivre.
Ce que devient le "lien" dans cette histoire est bien entendu moins glorieux... Simple morceau de chair déchirée, il termine sanguignolant dans la poubelle.
C'est donc ainsi que tu vois Bruxelles, Bart... Un simple lien, embêtant, gênant, handicapant pour permettre cette "autonomie" que tu as promis à tes électeurs.
La métaphore "siamoise" est mauvaise, car elle ne fait que polariser la résolution du conflit institutionnel belge sur deux entités, l'une flamande et libéralo-nationaliste, l'autre francophone et socialiste.
Elle est mauvaise car elle sous-entend qu'en découpant correctement le "lien" bruxellois, on obtient au final deux corps distincts, indépendants et autonomes.
Je suggère donc une autre métaphore, celle d'un seul corps, la Belgique, dont le cerveau, l'estomac, les poumons et le coeur fonctionneraient en étroite collaboration pour permettre à ce corps de se développer harmonieusement. Je suis bon prince, Bart, tu peux choisir l'organe de ton choix pour symboliser la Flandre. Mais je dois t'avouer que j'ai une préférence pour les poumons pour Bruxelles. Organe par excellence d'échange avec l'extérieur, comme Bruxelles l'est avec le monde qui nous entoure. Organe vital pour la vie, l'air ne peut se stocker et la respiration est une fonction qui, en se renouvelant en permanence, assure au corps le combustible dont il a besoin pour vivre, comme Bruxelles assure à ses habitants et au pays l'énergie quotidienne due aux milliers d'emplois et d'entreprises qui ont choisi cette ville-région. Organe dédoublé, le poumon droit et le gauche, comme la double culture flamande et francophone qui ont forgé l'identité de cette Région depuis des siècles. Les poumons n'ont pas à se préoccuper de la manière dont le coeur fonctionne, ou le cerveau. Disons que d'une certaine manière, le corps humain est déjà à l'origine, régionalisé. Mais par contre, si ces organes ne fonctionnent pas en bonne concertation, le corps meurt. Peu importe que le coeur lui veuille continuer à battre ou le cerveau à penser, ou l'estomac à digérer.
Cette métaphore me convient bien mieux, car pour moi, l'avenir de la Belgique passe par 1 pays ("le corps belge") et ses 4 régions ("les organes de ce corps")
A propos, ça tombe bien, moi aussi j'aime bien les locutions latines... : A bove ante, ab asino retro, a stulto undique caveto*
* " Prends garde au bœuf par devant, à l'âne par derrière, à l'imbécile par tous les côtés "

(1) De Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) is een politieke partij die in Vlaanderen vorm wil geven aan een humanitair nationalisme voor de 21ste eeuw. Als enige ongebonden partij, los van drukkingsgroepen, zuilen of financiële machten, verdedigt de Nieuw-Vlaamse Alliantie het algemeen Vlaams belang. In haar streven naar een beter bestuur en meer democratie kiest de Nieuw-Vlaamse Alliantie logischerwijs voor de onafhankelijke republiek Vlaanderen, lidstaat van een democratische Europese Unie. Het Vlaanderen van de N-VA stelt zich open voor internationale samenwerking en kijkt hiervoor in de eerste plaats naar Nederland.
Het doel van de Nieuw-Vlaamse Alliantie is de verdediging en bevordering van politieke, culturele, sociale en economische belangen van alle Vlamingen. Deze doeleinden kunnen met alle dienstige middelen bereikt worden, o.m. het uitgeven en verspreiden van druksels, tijdschriften, dagbladen; het organiseren van studiedagen, congressen, vergaderingen, filmvoorstellingen en bijeenkomsten van alle aard; het groeperen van individuele sympathisanten; het aankopen of in huur nemen van alle roerende en onroerende goederen, dienstig tot het doel.

24/01/2011

Anti-politique ? Anti-flamand ? Non, citoyen, tout simplement...

Ca y est, la mobilisation prévue ce 23 janvier à l'initiative du mouvement SHAME a bien eu lieu. Et les âmes chagrines qui s'imaginaient, comme ce politologue repris dans La Libre, "qu'un mouvement né sur la toile peine souvent à devenir réel..." en sont pour leur grade... 30, 34, 38, 50.000 ? Qu'importe, c'est une réussite du point de vue de la mobilisation et de l'organisation, sans incident notable à déplorer.Depuis près de deux semaines, on a pu en lire du "papier" dénonçant ce que beaucoup appelaient "un mouvement bêtifiant" (copyright de Jean Quatremer, spécialiste auto-proclâmé de notre pays pour nos voisins hexagonaux). En vrac, leurs considérations tournaient essentiellement autour du thème de l'absence de slogan clair et de l'anti-politisme supposé primaire de ce mouvement : "réclamer un gouvernement immédiat est affligeant, ce qui compte, c'est le projet...", "ce mouvement est anti-politique et donc dangereux, car poujadiste...", "nos politiciens travaillent depuis des mois pour trouver une solution", "cette manifestation ne rassemblera que des nostalgiques francophones de la Belgique de Papa", etc...
Ainsi, fleurissaient ici et là dans les journaux et sur la toile les "10 bonnes raisons de ne pas aller à cette manifestation"...


Tout ces analystes se sont trompés, et lourdement. Car le mouvement naît de l'action, et non l'inverse. Un peu moins d'analyse, et un peu plus de cou....., ça ferait du bien de temps en temps.
Tout d'abord, comme les chiffres le montrent (cfr. sondage Le Soir/Dedicated), il y avait bien "un peu de tout" à cette manifestation : des francophones wallons, des Bruxellois (44 % !), des néerlandophones de Flandre (25 %). Il y avait aussi bien des jeunes étudiants que des familles avec enfants et des retraités. Et oui, c'est vrai, quelques "Belgicains" dans le tas.
Bart de Wever, qui s'est empressé de rappeler que la seule expression du peuple, c'est celle qui ressort des urnes (flamandes uniquement en ce qui te concerne... ne l'oublie pas Bart), et qu'une manifestation qui rassemble 80 % de francophones (sic) et 20 % de flamands (re-sic) montre bien à quel point il est urgent de réformer le pays, a une nouvelle fois montré à quel point il méprise Bruxelles et ses habitants. Car 44% de "Bruxellois" Bart, ce ne sont pas "44 % de francophones". J'y étais à cette manifestation, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y avait plutôt beaucoup de néerlandophones, Flamands de Flandre OU Bruxellois de Bruxelles (et oui,  ils sont néerlandophones ET Bruxellois).
Bref, cette manifestation était assez représentative de ceux à qui on ne réserve que le sort des braves : les Bruxellois. Un petit bémol et un regret tout de même : peu de jeunes ou moins jeunes issus, comme moi, de l'immigration, étaient présents. Si vous me lisez, ne l'oubliez pas, ce pays, cette ville, sont aussi les vôtres !
Bruxelles, au centre de tous les enjeux (et du dernier échec de la note Vande Lanotte). Bruxelles à qui personne ne vient demander son avis. Dans les négociations en cours (ou à venir), le sort des Bruxellois est/sera négociés par Di Rupo (Mons), Reynders (Liège), Javaux (Amay) et Milquet (Madame Couloir Wallon de Rhode-St-Genèse). Autrement dit, ceux-là sont prêts à toutes les concessions pour larguer la région bruxelloise et conserver leur pré-carré wallons, d'où ils tirent leur succès électoraux...
Ensuite, ceux qui considèraient que cette démarche "anti-tout" était dangereuse, voire populiste, ont pu voir que les messages, certes idéalistes et certes quelque peu romantiques des organisateurs, n'avaient au contraire aucun relent de "tous pourris". Pour être plus précis et reprendre Philippe Geluck (mais qu'est-ce qu'il pouvait bien faire là celui-là... Il y a bientôt un album du Chat qui sort ?), cette manifestation était au contraire très Politique (notez le P majuscule), dans le sens qu'il redonne au citoyen une certaine parole et le droit de dire "dirigeants de ce pays, il faut à présent se remettre de toute urgence au travail et sortir de cette situation".
Enfin, oui, le "message" pouvait sembler diffus, certes. Mais au-delà de la confusion des genres (comme ces quelques manifestants qui arboraient malencontreusement des slogans anti-flamands et n'ont donc rien compris du tout),  ce mouvement spontané, auto-généré, fruit de la génération web et d'une certaine forme de mondialisation de la prise de parole citoyenne, montre clairement que désormais, ce qui se passe dans les rédactions et les bureaux de partis ne suffit plus à berner le citoyen lambda. La société participative est née... Car ceux qui minimisent la portée de 40 ou 50.000 personnes dans la rue sous-estiment dangereusement toutes celles et ceux qui se sont exprimés et n'étaient pas présents : sur Facebook, sur les forums, sur Twitter,... La portée réelle de ce mouvement touche sans doute 200 ou 300.000 personnes... Le jour où cette population trouvera un moyen de traduire ses sentiments dans les urnes, ce mouvement pèsera de tout son poids...


Ce qui m'amène à conclure en abordant ce qui a certainement manqué à cette manifestation : et maintenant, on fait quoi ? Les solutions, vous les voyez où ? Yves Leterme, s'adressant aux jeunes organisateurs aujourd'hui (La Une - JT) leur faisait remarquer que c'était foutrement compliqué une réforme de l'Etat, mais tellement nécessaire pour tous les citoyens. Et qu'une chose était de dire "nu, stop" et l'autre de répondre à la question "quelles solutions proposez vous ?". Une sortie de crise est possible, si l'affrontement stérile entre Communautés laisse enfin la place à une coopération responsable entre régions. Si le fait régional est acté et reconnu pour toutes les régions, en ce compris la région bruxelloise, et les entités régionales responsabilisées au niveau financier et dotées des moyens réels, dans une Belgique fédérale dont on aura au préalable défini  de ce que ces régions souhaitent faire ensemble : les finances, la justice, la sécu, la défense et la sécurité,... 
Le dernier article d'Alain Maskens, analyse pointue et parfaitement pertinente des actuels blocages, montre la voie, déjà prônée depuis 2009 par ProBruxsel. La solution existe, il faudra le courage et la volonté politique de l'appliquer. Pour Bruxelles, certainement, mais aussi pour l'avenir de ce pays que certains souhaiteraient dépecer sans vergogne. "Eén land, vier regios / Un pays, quatre régions".

09/01/2011

Apocalypse now... ?

Lorsque Stéphane Tassin a publié cette semaine dans la DH une double page blanche en guise d'éditorial, témoignant du ras-le-bol le plus complet du pays, des medias et des citoyens quant à l'enlisement de la crise politique, il a bien traduit ce sentiment  qui commence à poindre tant au Nord qu'au Sud du pays de sentiment de révolte, bien légitime, quant à la médiocrité dans laquelle s'enlisent les pourparlers institutionnels...


Notre classe politique serait-elle la plus bête du monde ? Si on en croit le Washington Post, qui crucifie le 'showman' De Wever dans son dernier article sur notre petit pays en crise, nous n'en sommes en tout cas pas loin du tout... Monsieur De Wever fait le pitre à la télé, nous explique qu'il mange des chips en caleçon devant son écran, et reconnaît sans problèmes les poitrines d'actrices qu'on lui présente dans de "Allerslimste mens ter wereld...". Il est vrai qu'à l'époque, Dehaene nous avait déjà habitué au côté populo du café du coin, en faisant entrer les caméras de la VRT dans sa maison à Vilvoorde, où, une chope à la main, il lançait des "Allei..." et des "Godverdomme..." en assistant au match du FC Brugge dont il est un ardent supporter...
On frise la vulgarité la plus abjecte, travestie sous un supposé jeu de divertissement télévisuel... et visiblement, la Flandre aime ça ! Beste vrienden, het wordt toch tijd om eens wakker te worden... Willen jullie echt aan deze man de toekomst van ons land toevertrouwen ?
Et il est vrai que le citoyen s'y perd complètement. On ne sait plus tellement qui dit "non", ou "oui", ou "oui mais..." ou "on a voulu dire oui, mais vous avez tout faux, on a compris non...". Et d'ailleurs, oui à quoi en fait ?
Pour le moment, le point de blocage essentiel semble bien être Bruxelles. Et deux visions qui s'opposent.
D'une part celle du CD&V et de la NV-a, qui ne voient en Bruxelles qu'une simple ville qu'il faudrait bâillonner, contrôler, co-gérer et à qui on accepterait de donner l'aumône pour qu'elle ne sombre pas définitivement dans la misère. Imbuvable, inacceptable et totalement non-démocratique...
De l'autre, une vision plus dynamique (vraiment...?) où on souhaiterait tout de même doter quelque part Bruxelles des moyens d'une Région à part entière... Ou presque. Disons simplement que la note de Vandelanotte, soutenue par le SP.a, Groen!, Ecolo et plus mollement par le CDh et le PS prévoit par exemple de donner (un peu) plus de pouvoirs au Ministre-Président en matière de police et d'allonger une enveloppe de 372 millions en 2012, essentiellement en matière de mobilité.
Que les Bruxellois ne s'y trompent pas ! Cet argent, promis (mais pas encore versé, s'il l'est un jour) ne servira pas au Bruxellois, mais en très grande partie à faciliter la mobilité des navetteurs (des Flamands et Wallons qui viennent travailler tous les jours à Bruxelles sans contribuer d'un seul euro au financement de ces infrastructures payées par les seuls bruxellois, avec leurs impôts...).
Et la note ne parle pas des transferts de compétences dont la région à vraiment besoin, notamment pour l'enseignement...
Alors, comment sortir de cette situation ? Et bien Bruxelles est le problème et la solution. Et à cet égard, je vous invite à lire la dernière Carte Blanche de Charles Picqué, publiée dans le Soir de ce 8 janvier... Visionnaire et pétrie de bon sens, cette note résume à elle seule ce que ProBruxsel ne cesse de clamer depuis 3 ans : les transferts de compétences doivent être réels et se faire vers une Région Bruxelloise solidaire de ces régions voisines, mais reconnue comme Région à part entière et dotée des moyens financiers nécessaires à son triple statut de capitale du pays, de capitale européenne et de Ville-Région.
Il est d'ailleurs piquant de lire Picqué (jolie allitération, non ?) écrire, par exemple : "il faut éviter de créer des sous-nationalités à Bruxelles " ou encore "Des listes bilingues conforteraient l'identité bruxelloise et l'affirmation d'un destin commun". Des propositions qui ne sont pas sans rappeler celles déjà faites depuis lontemps par ProBruxsel... Que ne les eût-il pas faites plus tôt !
Il convient de se demander si Monsieur Picqué ne se sent pas un tout petit peu mal à l'aise au sein de son parti mono-francophone, dont le moins que l'on puisse dire est qu'on n'a pas beaucoup entendu son Montois de Président défendre ou exposer les idées du camarade Picqué...
Alors, le temps est-il venu de l'Apocalypse ? L'iconographie biblique nous a habitué à considérer que l'avènement de la "nouvelle Jérusalem"  était liée au chiffre 7 (souvenez-vous : les 7 sceaux, les 7 trompettes, les 7 visions du futur,...). Alors, l'Apocalypse selon Saint Bart et les 7 partis ? ;-)
La suite des événements dépend à présent d'Albert II et de son imagination pour nous  trouver une profession se terminant par "... eur" et non encore utilisée, sans quoi, nos poli-toqués nous conduiront à l'abîme, les Bruxellois en tête... A moins qu'eux aussi se mettent à sonner les trompettes ...