24/01/2011

Anti-politique ? Anti-flamand ? Non, citoyen, tout simplement...

Ca y est, la mobilisation prévue ce 23 janvier à l'initiative du mouvement SHAME a bien eu lieu. Et les âmes chagrines qui s'imaginaient, comme ce politologue repris dans La Libre, "qu'un mouvement né sur la toile peine souvent à devenir réel..." en sont pour leur grade... 30, 34, 38, 50.000 ? Qu'importe, c'est une réussite du point de vue de la mobilisation et de l'organisation, sans incident notable à déplorer.Depuis près de deux semaines, on a pu en lire du "papier" dénonçant ce que beaucoup appelaient "un mouvement bêtifiant" (copyright de Jean Quatremer, spécialiste auto-proclâmé de notre pays pour nos voisins hexagonaux). En vrac, leurs considérations tournaient essentiellement autour du thème de l'absence de slogan clair et de l'anti-politisme supposé primaire de ce mouvement : "réclamer un gouvernement immédiat est affligeant, ce qui compte, c'est le projet...", "ce mouvement est anti-politique et donc dangereux, car poujadiste...", "nos politiciens travaillent depuis des mois pour trouver une solution", "cette manifestation ne rassemblera que des nostalgiques francophones de la Belgique de Papa", etc...
Ainsi, fleurissaient ici et là dans les journaux et sur la toile les "10 bonnes raisons de ne pas aller à cette manifestation"...


Tout ces analystes se sont trompés, et lourdement. Car le mouvement naît de l'action, et non l'inverse. Un peu moins d'analyse, et un peu plus de cou....., ça ferait du bien de temps en temps.
Tout d'abord, comme les chiffres le montrent (cfr. sondage Le Soir/Dedicated), il y avait bien "un peu de tout" à cette manifestation : des francophones wallons, des Bruxellois (44 % !), des néerlandophones de Flandre (25 %). Il y avait aussi bien des jeunes étudiants que des familles avec enfants et des retraités. Et oui, c'est vrai, quelques "Belgicains" dans le tas.
Bart de Wever, qui s'est empressé de rappeler que la seule expression du peuple, c'est celle qui ressort des urnes (flamandes uniquement en ce qui te concerne... ne l'oublie pas Bart), et qu'une manifestation qui rassemble 80 % de francophones (sic) et 20 % de flamands (re-sic) montre bien à quel point il est urgent de réformer le pays, a une nouvelle fois montré à quel point il méprise Bruxelles et ses habitants. Car 44% de "Bruxellois" Bart, ce ne sont pas "44 % de francophones". J'y étais à cette manifestation, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y avait plutôt beaucoup de néerlandophones, Flamands de Flandre OU Bruxellois de Bruxelles (et oui,  ils sont néerlandophones ET Bruxellois).
Bref, cette manifestation était assez représentative de ceux à qui on ne réserve que le sort des braves : les Bruxellois. Un petit bémol et un regret tout de même : peu de jeunes ou moins jeunes issus, comme moi, de l'immigration, étaient présents. Si vous me lisez, ne l'oubliez pas, ce pays, cette ville, sont aussi les vôtres !
Bruxelles, au centre de tous les enjeux (et du dernier échec de la note Vande Lanotte). Bruxelles à qui personne ne vient demander son avis. Dans les négociations en cours (ou à venir), le sort des Bruxellois est/sera négociés par Di Rupo (Mons), Reynders (Liège), Javaux (Amay) et Milquet (Madame Couloir Wallon de Rhode-St-Genèse). Autrement dit, ceux-là sont prêts à toutes les concessions pour larguer la région bruxelloise et conserver leur pré-carré wallons, d'où ils tirent leur succès électoraux...
Ensuite, ceux qui considèraient que cette démarche "anti-tout" était dangereuse, voire populiste, ont pu voir que les messages, certes idéalistes et certes quelque peu romantiques des organisateurs, n'avaient au contraire aucun relent de "tous pourris". Pour être plus précis et reprendre Philippe Geluck (mais qu'est-ce qu'il pouvait bien faire là celui-là... Il y a bientôt un album du Chat qui sort ?), cette manifestation était au contraire très Politique (notez le P majuscule), dans le sens qu'il redonne au citoyen une certaine parole et le droit de dire "dirigeants de ce pays, il faut à présent se remettre de toute urgence au travail et sortir de cette situation".
Enfin, oui, le "message" pouvait sembler diffus, certes. Mais au-delà de la confusion des genres (comme ces quelques manifestants qui arboraient malencontreusement des slogans anti-flamands et n'ont donc rien compris du tout),  ce mouvement spontané, auto-généré, fruit de la génération web et d'une certaine forme de mondialisation de la prise de parole citoyenne, montre clairement que désormais, ce qui se passe dans les rédactions et les bureaux de partis ne suffit plus à berner le citoyen lambda. La société participative est née... Car ceux qui minimisent la portée de 40 ou 50.000 personnes dans la rue sous-estiment dangereusement toutes celles et ceux qui se sont exprimés et n'étaient pas présents : sur Facebook, sur les forums, sur Twitter,... La portée réelle de ce mouvement touche sans doute 200 ou 300.000 personnes... Le jour où cette population trouvera un moyen de traduire ses sentiments dans les urnes, ce mouvement pèsera de tout son poids...


Ce qui m'amène à conclure en abordant ce qui a certainement manqué à cette manifestation : et maintenant, on fait quoi ? Les solutions, vous les voyez où ? Yves Leterme, s'adressant aux jeunes organisateurs aujourd'hui (La Une - JT) leur faisait remarquer que c'était foutrement compliqué une réforme de l'Etat, mais tellement nécessaire pour tous les citoyens. Et qu'une chose était de dire "nu, stop" et l'autre de répondre à la question "quelles solutions proposez vous ?". Une sortie de crise est possible, si l'affrontement stérile entre Communautés laisse enfin la place à une coopération responsable entre régions. Si le fait régional est acté et reconnu pour toutes les régions, en ce compris la région bruxelloise, et les entités régionales responsabilisées au niveau financier et dotées des moyens réels, dans une Belgique fédérale dont on aura au préalable défini  de ce que ces régions souhaitent faire ensemble : les finances, la justice, la sécu, la défense et la sécurité,... 
Le dernier article d'Alain Maskens, analyse pointue et parfaitement pertinente des actuels blocages, montre la voie, déjà prônée depuis 2009 par ProBruxsel. La solution existe, il faudra le courage et la volonté politique de l'appliquer. Pour Bruxelles, certainement, mais aussi pour l'avenir de ce pays que certains souhaiteraient dépecer sans vergogne. "Eén land, vier regios / Un pays, quatre régions".

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