25/11/2012

Sire, ils ont scindé Saint-Nicolas... Mais ils ont oublié les Bruxellois !

2012. Pour ceux qui en doutaient, BHV est bel et bien scindé. il ne reste plus que quelques arrêtés d'exécution et autres textes legaux à voter, mais misa ita est. On se dira que finalement la vie des citoyens au quotidien n'a pas vraiment changé - tout ça pour ça... -, et que cette scission, au delà des cinq petites minutes de courage politique requises pour l'exécuter, elle est surtout électorale (arrondissements et cantons électoraux), administrative et judiciaire. Certes, mais aussi et probablement morale, comme une sorte d'acte d'abandon sub-conscient définitif.
Et si derrière tout cela, il y avait plus grave, comme un goût de scission déjà bien effective ?

Ce week-end, je déambulais à la recherche d'un improbable jeu qu'il fallait abs-olu-ment que je trouvasse pour mettre dans la pantoufle d'une petite fille qui avait été vraiment très très sage comme un petit mouton... Et quoi de plus logique que de me diriger vers un grand magasin de jouets situé à quelques encablures de mon domicile laekenois, magasin situé dans ce "V" de BHV, en plein dans son centre d'ailleurs. Cette chaîne de magasin, qui n'a pas hésité jadis à troquer dans son nom d'enseigne un "Droom" par trop mono-linguistiquement connoté, par un bien plus seyant "Dream" à l'accent onirique, et incolore sur le plan de la neutralité linguistique.

Ayant trouvé l'article en question, je me rends compte que la couverture en langue de Vondel ne semble pas indiquer de version FR. J'interpelle donc un jeune homme, affublé d'un très joli pardessus bleu à qui je demande : "Excuseer, hebt u dit spel in het Frans?". J'aurais pu m'attendre à un très embarassé "Nee Meneer, wij hebben alleen maar de nederlandstalige versie, het spijt me...", ce qui ne m'aurait pas étonné outre mesure, après tout, Vilvoorde, c'est en Flandre non?
Seulement voilà, le jeune homme, sans malice et avec une naïveté toute professionnelle, me sors un "Nee, daarvoor moet u naar een winkel in Wallonie gaan. Hier hebben wij maar spellen voor de Vlamingen...". Je me suis quand même fendu d'un "Naar Wallonie? Maar ik woon hiernaast, in Brussel!"... Peine perdue, il était déjà passé au client suivant, harcelé qu'il était de toutes parts en cette veille de fête de Saint-Nicolas, ooops, pardon, de Sinter Klaas...

Voici donc une chaîne commerciale au demeurant nationale, mais aux racines très ancrées dans l'autre partie de BHV, à Halle en l'occurrence, dont les employés, à tort ou à raison, se croient obligés d'expliquer à un client potentiel (ex-client, en fait...) qu'ici c'est la Flandre, et que de l'autre côté, c'est la Wallonie.... Et qu'entre les deux, ben mon gaillard, c'est le vide intersidéral bruxellois. Un no man's land dans lequel il ne fait visiblement pas bon d'exister. Ou plutôt, comme il est impossible de lui coller une étiquette linguistique définitive, qu'il vaut mieux ignorer. Une région, Bruxelles, non mais tu rigoles ou quoi!

A Vilvoorde, dans les allées de ce Dreamland (quoique...) il y avait énormément de clients venus de Schaerbeek, Laeken, Neder, soit du nord de Bruxelles, qui parlaient tout autant le Français et qui eux aussi ont dû avoir du mal à trouver des jeux dans la langue de leur choix . Comment dès lors s'imaginer qu'un directeur de magasin choisisse sciemment de se couper d'une partie de sa clientèle potentielle, sur la base du simple fait qu'ils seraient francophones? Si ce n'est parce que derrière la fonction, il y a sans doute un homme ou une femme avec ses convictions, visiblement bien ethnico-linguistiquement pures... "Hier hebben wij maar spellen voor de Vlamingen...". Quelque chose me dit que cette définition du Vlaming n'englobe pas les habitants de Laeken, Neder ou Schaerbeek, qu'elle que soit leur langue d'ailleurs...
De fait, mes euros "bruxellois", je suis parti les dépenser dans un autre magasin bien bruxellois celui là, avec plein de jeux et jouets bilingues et des vendeurs bilingues colorés comme je les aime.

Car là ne s'arrête pas cette cocasse anecdote linguistico-communautaire. Plus tard dans la journée, je me retrouve à Drogenbos, une commune qui, si j'en crois mon atlas, se trouve, elle aussi, bel et bien en Brabant flamand. Sauf que là, la clientèle francophone (et uccloise) est présente en nombre... Et bien vous savez quoi? Il y a aussi un Pays de Rêve à Drogenbos, et dans ses rayons le fameux jeux était lui présent en version francophone cette fois....

Alors oui, on pourra rétorquer à raison qu'à Wavre, j'aurai eu tout autant de difficultés à trouver un jeu en néerlandais... Il me reste néanmoins un profond sentiment de gâchis, et une nouvelle démonstration que la problématique institutionnelle, à force d'être mono-communautaire ne fait que diviser, saucissonner, réduire le vivre-ensemble au lieu de le renforcer.
Notre société belge se racrapotte, comme une vieille chaussette...
Jusqu'à scinder notre tradition festive de Saint Nicolas/Sinter Klaas.
Ah oui, n'allez pas faire vos courses chez Dreamland :-)
Il y a aussi d'excellents artisans locaux qui fabriquent de beaux jouets...





3 commentaires:

  1. Il n'y a effectivement pas de magasins Dreamland à Bruxelles. D'où le "daarvoor moet u naar een winkel in Wallonie gaan".

    Vous êtes très probablement tombé sur un illustre ignorant qui ignorait probablement que le jeu se trouvait bien à Drogenbos. Je ne doute pas qu'il manquait très probablement aussi de sympathie.

    De là à en tirer des conclusions linguistico-régionalistes... Le fait que le jeu soit disponible à Drogenbos fournit la preuve que la chaine ne boycot pas les jeux francophones en "territoire" flamand. Le contraire tiendrait d'ailleurs plus de l'abérration commerciale qu'autre chose.

    La prochaine fois, commandez sur internet, vous éviterez les files et je suis certain que votre postier flamand ne rechignera pas à vous déposer votre jeu en français.

    Arnaud

    RépondreSupprimer
  2. Merci Arnaud pour votre commentaire, tout à fait pertinent d'ailleurs. Le vendeur était probablement ignorant du fait que ce même jeu se trouvait, ailleurs en Flandre.
    Je précise que celui-ci n'avait rien d'antipathique, au contraire... Tout à fait courtois.
    C'est même cette courtoisie dans le "hier, hebben wij maar spellen voor de Vlamingen" qui m'a fait tiqué d'ailleurs.
    Je précise aussi, au cas où ce ne serait pas clair, que je suis très très loin de faire un combat linguitisco-francophone de ce genre de situation. Mon postier peut me parler flamand, wallon, ou brusseleir tout ce que je lui demande, c'est de m'apporter mon courrier ;-)

    RépondreSupprimer
  3. La response de Dreamland, un magasin trop petit à Vilvoorde...Cher monsieur Fernandez,

    Je regrette que vous n'ayez pas trouvé l'article que vous cherchiez dans le magasin de Vilvoorde. Nous essayons d'amener un assortiment complet de jouets dans nos magasins afin d'aider un maximum de clients.

    La superficie du magasin de Vilvoorde ne permet hélas pas d'y implanter un assortiment de jouets et de jeux dans les 2 langues nationales. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi d'y implanter uniquement notre assortiment néérlandophone.

    Le magasin de Drogenbos permet par sa superficie de présenter notre assortiment complet.

    Je vous remercie pour votre témoignage, j'ai également envoyé votre e-mail à notre direction.

    Je reste à votre disposition et espère que vous gardez confiance en notre firme.

    Cordialement,

    Toller Guillaume
    Service clientèle DreamLand
    dreamland@dreamland.be
    02/363.56.56

    RépondreSupprimer